Enok & Sarah

Enok & Sarah
(commencé le 21/05/2015 vers 12h30 au “Bourbon Coffee” à Kigali). Scénario pour un film.

SEQ 1

L’écran est tout noir, le silence est total. Un minuscule point blanc lumineux, naît au centre de l’écran, tout en grossissant, une musique speed d’une batterie free jazz, monte en crescendo, elle n’est accompagnée d’aucun autre instrument, si ce n’est les halètements et souffles semblables à celles d’une personne qui court pour échapper à un danger.

SEQ 2

Le point lumineux continue à grossir, on y voit maintenant, les pieds nus d’un jeune garçon de 10 ans qui court sous les arbustes d’une savane boisée.
La musique atteint son paroxysme quand l’écran blanc lumineux a chassé l’écran noir.
Le pied du garçon trébuche sur une liane, il s’écroule, ventre à terre. Une main le retourne violemment sur le dos, on découvre son visage terrifié.

SEQ 3

La caméra s’attarde sur ses yeux, elle fait un zoom dans son oeil gauche, si bien que celui-ci prend la place de l’écran, on devine l’iris et les cils du garçon qui clignent.
-Après le premier clignement:


on voit en grand le titre du film écrit en épousant la courbure de l’oeil: ENOK & SARAH.
Clignement passage au noir.
-Deuxièment clignement:


UN FILM DE…
Clignement passage au noir.
-Troisième clignement:
AVEC …
Clignement passage au noir.
-Quatrième clignement:


REALISATION PAR…
-Cinquième clignement. Un texte défile lentement:

1895 Etat Indépendant du Congo, anciennement AIC (Association Internationale du Congo), propriété du Roi Léopld II. Un jeune garçon MUABI, appartenant à l’éthnie LUBA est enlevé par un marchand d’esclave et revendu à 600 km de là, chez les KUBA…

… Une fois adulte, Il se marie avec une femme KUBA dont il a 6 enfants, 3 filles, 3 garçons, sa fille aînée s’appelle SARAH…

A la promulgation, dans les années 1920, du décret royal portant la suppression de l’esclavagisme entre les indigènes, MUABI s’affranchit et redevient LUBA…


SEQ 4

 

Sixième clignement:
Du fond de l’oeil s’inscrit en grand et en gras : 1920
La caméra commence alors un zoom avant assez rapide et les chiffres changent 1921-1922-1923-1924-1925
Le zoom s’arrête on découvre en gros plan la tête d’un monsieur d’une quarantaine d’années, couché à terre sur une natte, exactement dans la même position que le petit fugitif du début, c’est Muabi.

SEQ 5

Une jeune fille d’une quinzaine d’année s’approche de la natte délicatement avec un goblet en métal. Muabi la voit et fait semblant de dormir. Sarah s‘approche, elle sourit, gros plans sur son sourire, elle a un espace entre les deux incisives, qui la rend vraiment charmante.

Sarah: Papa…Arrête de faire semblant, je sais que tu ne dors pas…Tiens, de l’eau…
Muabi: Merci ma chérie…Où est maman ? (il boit)


Sarah: aux champs…
Muabi: Et toi, tu fais quoi ?
Sarah: Je tresse mes petites soeurs… (elle veut s’en aller, le père la retient par le bras).


Muabi: Et moi, tu ne me tresse jamais pourquoi ?
Sarah: Papa…Arrête… Tu n’est pas une fille…(elle se libère de l’étreinte, fait un magnifique sourire et s’en va, Muabi la regarde avec tendresse et l’appelle soudainement)…Sarah !
Sarah: Oui, papa…
Muabi: Attention, il y a ton ombre qui te suis. (Elle se retourne, secoue les épaules et s’en va, Muabi sourit, puis détourne sa tête. Son regard se perd dans ses pensées.
La caméra pratique un zoom rapide vers son oeil gauche.)

SEQ 6 (Flahs-Back)

On retrouve le petit garçon avec ses yeux terrifiés. En contre champs, un guerrier impressionnant, chapeau à plume et lance, le regarde avec une animosité et à la fois de la compassion.

Guerrier: tu as failli me faire tomber…La gazelle a beau courir, le lion fini toujours par l’attraper… (en Kikuba, sous-titré en français)


Le guerrier l’attrape par le bras et l’entraîne vers une clairière.

SEQ. 7

Le Guerrier arrive dans son village, quelques enfants viennent l’accueillir et regardent avec curiosité le petit Muabi. Le guerrier l’enferme dans une case sombre et s’en va vers une autre case plus grande. Un notable en costume traditionnel magnifique est assis sur un fauteuil sculpté des cauris de toutes les couleurs. Le guerrier s’agenouille en guise de respect.


(Les dialogues qui suivent sont en langue Kuba, sous-titré en français).

Notable: Qu’est-ce que tu nous ramène aujourd’hui ?
Guerrier: Un tout jeune garçon, il est vaillant, il vaut son pesant d’or.

Notable: C’est bien, ça change. Ces derniers temps tu ne me ramène que des vieux croulants édentés et qui mangent comme dix.
Guerrier: Qu’est-ce que j’en fais ?
Notable: Garde le moi-précieusement, j’irais le vendre au marché de Bena Makima, la semaine prochaine..

SEQ 8

Une dame s’avance avec une bassine d’eau et un plat de nourriture, ouvre la case où est enfermé le petit Muabi. Il est en pleurs. Avec beaucoup de douceur, elle essuie ses larmes, le déshabille et le lave tout en lui parlant.

Dame: (en Kuba, sous-titré en français)…Ne pleure pas, ne pleure plus…Tu es maintenant dans ta nouvelle famille. Je sais que tu ne comprend pas ce que je te dis, mais bientôt tu comprendras notre langue et on t’apprendra plein d’autre choses…Ne pleure plus.

Le petit Muabi écoute avec beaucoup d’attention en ouvrant grand ses yeux. La dame l’essuie et l’entoure dans son pagne et l’assoit sur ses genous. Elle ouvre une calebasse et commence à lui donner à manger. Le petit Muabi est d’abord méfiant, mais avec tendresse et patience, la dame gagne sa confiance. Il mange maintenant sans retenue, la dame le calme. Quand il a fini, elle le serre contre elle et lui chante une berceuse en Kikuba, ainsi le petit Muabi, passe sa première nuit en captivité…